Il m’aura fallu une petite semaine pour venir à bout des 301 pages (remerciements compris) du futur best-seller de Zoe Shepard (3eme du top des ventes de cet été pour l’instant).
Avant de vous dire ce que j’en ai pensé, il est utile de vous dire d’abord pourquoi je l’ai acheté. Vous savez Zoe Shepard, c’est cette fonctionnaire qui après publication de ce livre, devrait se faire virer 2 ans de la fonction publique parce que c’est pas gentil du tout de critiquer les fonctionnaires, qui rappelons le, sont si ce n’est ceux qui bossent le plus en France, au moins ceux qui font le plus parler de leur petite personne.

Bref, il y avait eu des réactions dans les blogs, forcement contre cette condamnation ressemblant fort à un dérivé de censure (et faisant bien comprendre aux prochains qu’il leur arrivera la même chose s’ils avisent de faire part à leur tour de leur étonnement vis-à-vis de nos système administratif, quoique vu le succès des livres, il pourrait y avoir de l’écho). J’étais contre cette condamnation, je voulais soutenir cette Zoé Shepard, et parce que ça coïncidait pile avec mon envie d’acheter un livre plus « politique » pour cet été, j’ai commandé ledit bouquin.
Absolument dé-bor-dée, ou le paradoxe du fonctionnaire, de Zoé Shepard donc, raconte, si je m’en tiens à la 4me de couverture, les tribulations d’une nouvelle venue dans le monde des fonctionnaires où « incompétence rime avec flagornerie », où les réunions servent à tout sauf à prendre des décisions et où son rôle se limite plus à jouer les « G.O. pour délégation étrangère » qu’à s’occuper de quelque dossier qui pourrait faire avancer le monde dans le bon sens.
Les premiers chapitres – ce n’est plus la 4eme de couv’ qui parle – racontent effectivement avec humour son étonnement quelque peu teinté de désillusion en arrivant dans son service et les affaires dont elle doit s’occuper, surtout après 8 années à avoir étudier des bouquins gros et indigestes comme des dictionnaires et passé un oral encore plus stressée qu’une collégienne. Il suffit que l’on ait eu une seule petite fois recours aux administrations pour je ne sais quel papier, je ne sais quelle procédure, ou je ne sais quel document à renvoyer, pour qu’on s’attache immédiatement à ce personnage très critique qui nous conforte dans les préjugés qu’on avait de l’organisation desdits services, comme par exemple que « Dans la fonction publique territoriale, c’est le décolleté qui doit être rempli, pas le CV » ou « Nos impôts financent les putes de nos élus ». (Faire des phrases longues permet de se mettre en valeur en se donnant un brin de professionnalisme, très pratique pour donner de la crédibilité à une critique).
Ce sont ces premiers chapitres que j’ai préféré, lorsqu’on rencontre la faune atypique des bureaux d’une mairie, toujours décrite avec cet humour un peu limite, plus proche d’un Guillon que d’un La Fontaine. On s’imagine parfaitement les scènes, Zoé nous parait être seule dotée de logique, ce qui nous permet de s’identifier à elle plus qu’à un autre (le personnage de Coconne est forcément moins attirant). On enchaîne les pages, sous forme de carnet de bord, jour par jour, avec une facilité de lecture appréciable (chercheurs de métaphores poussées, passez votre chemin).
Le style correspond tout à fait à celui d’un blog (dans les Remerciements, j’ai appris qu’elle tenait justement un blog). Je pensais souvent à celui de Princesse Soso pour cette raison, retrouvant le même fond et la même forme (je me suis même demandé si Princesse Soso n’était pas Zoé Shepard, mais l’une est prof, l’autre administratrice territoriale…).
C’est après une centaine de pages (ou un peu moins, ou un peu plus, vu que je donne le nombre au pif) que le style s’essouffle, comme s’il avait donné tout ce qu’il pouvait. Les anecdotes paraissent plus romancées, les dialogues plus retouchés, ça respire moins le vrai ! (L’arrivée du Bizut ne fait que renforcer cette ambiance synthétique aux arômes artificiels). S’ajoute à cela la mauvaise foi de Zoé, qui nous amusait au début, mais qui là se fait de plus en plus présente et forcée. Toute la compassion qu’on pouvait avoir pour elle se dilue dans un sentiment plus réservé, et on se demande si la brave Zoé n’en rajoute pas beaucoup, beaucoup trop. (Pour se défendre, elle fait même énoncer ce sentiment par un des personnages, Michelle, du genre « Zoé ! Personne ne trouve grâce à vos yeux… ». C’est tellement léger que ça sent la prévention histoire de réfuter les possibles connards de mon espèce qui penseront que c’est peut-être elle le problème.)
Voilà comment l’on termine le livre, avec tout de même un départ pour un projet humanitaire au Mali pour Zoé. Cette pauvre fonctionnaire qui n’avait pas réussi à accepter de faire semblant de travailler. Voilà le vrai paradoxe de ce livre, le paradoxe de Mlle Shepard : souhaiter devenir fonctionnaire et travailler.
« Mais c’est beau quand même » – Hubert Bonniseur de la Bath aka OSS 117, alias Jean Dujardin in OSS 117 Le Caire Nid d’Espions.
