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Je vous laisse, je continue en rêves

Gontran déambulait de sa dégaine si spéciale dans les couloirs de cette station de métro quasi-désaffectée. Un pas à gauche, deux à droite, un demi-tour, s’appliquant à suivre cette traînée noire qu’un chariot crasseux avait dû laisser sur le sol. Étrange station pour étrange personnage. Plus aucun métro ne passait ici, mais quelques commerces avaient subsister, certainement pour l’originalité de leurs produits : du high-tech taiwanais douteux mais bon marché, un magasin de farces et attrapes qui, disait-on, pouvait, en insistant un peu auprès de la jeune vendeuse toujours à demi-habillée, vendre des choses plus illicites, on parlait d’armes, on parlait de drogues. Et puis pour la déco : les murs étaient couverts de graffitis, il y avait notamment ce couple se donnant la main, aux couleurs tellement vraies qu’on l’aurait vu bouger ; et puis ces signatures d’artistes éphémères convaincus de devoir laisser leur trace.

Gontran était sacrément étrange lui-aussi, la destinée d’un prénom qui l’était tout autant pensait-il, toujours à rêver, toujours perdu entre le monde bien réel des difficultés financières et celui plus léger qui ne connait comme limites que celles de l’imagination. Alors il était, là, vagabondant, espérant quelque chose, mais lui-même ne savait pas quoi. Puis il s’arrêta. Ce photomaton avait quelque chose de spécial. Planté dans un coin comme un élève puni, éclairant faiblement ce sous-sol morne de sa lumière blafarde et de ses néons clignotants. Il avait quelque chose d’attirant, un je-ne-sais-quoi d’hypnotique, peut-être le grésillement de ses circuits défectueux, peut-être le halo multicolore qu’il projetait sur le mur juste derrière. Gontran était captivé. Il s’en approcha en se remémorant les scènes de Tron, il avait l’impression d’avoir trouvé sa machine, l’objet qu’il attendait tant.

Alors il poussa le rideau poussiéreux et s’assit, observant l’écran qui se présentait à lui, attendant un signe. Il attendait. Il se décida enfin à appuyer sur le gros bouton vert fluorescent qu’il n’avait jusqu’alors pas considérer. L’écran scintilla, puis se zébra, comme le font parfois les vieux téléviseurs dans un dernier soupir. Les néons blancs du plafond aussi clignotèrent un instant, c’était un ballet mal maîtrisé de flashs et d’extinctions. Puis tout redevint normal, le bouton vert, qui s’était éteint, se ralluma.

Gontran sortit. Il se sentait comme une homme neuf, satisfait du devoir accompli. Rien n’avait changé, le hall prenait toujours cette teinte morbide, et on entendait toujours la musique électronique du magasin taiwanais. Ça ne l’empêchait d’être content. Il prit le chemin de la sortie, persuadé que son devoir dans cette station était accompli, persuadé qu’une page était tourné, que l’on pouvait passer au prochain épisode.

Il ne s’en aperçut pas parce que pour la première fois, son pas était sûr, sa démarche normale mais, il y avait un chat qui marchait au plafond, et le couple du graffiti s’embrassait.

 

Ceci est ma participation au Jeu N°6 du blogà1000mains sur une photo de Louise Imagine. N’hésitez pas à prendre part à la chose, aucune contrainte n’est à respecter, si ce n’est celle de faire un texte d’une taille propice au billet de blog, et de prévenir le blogà1000mains en commentaires du jeu 😉

Je vous laisse avec les participations de Nicolas et Dominique, en attendant celle de Gaël.

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Fantaisie d’hiver

Dans un film, qu’un épais manteau blanc et moelleux recouvre de délicieuses petites maisons aux mille loupiotes éclairées, cela paraitrait… normal pour une telle période de fin d’année. Certains habitués de la critique facile signaleraient quand même, et peut-être bien qu’ils auraient raison, que c’est un peu tôt pour embellir le balcon du rêne au nez rouge, et qu’avant ce fameux 25 décembre, il y a le mois de Novembre à terminer, et le mois de Décembre à entamer. Mais pour Mimi, et qu’importe si c’était son vrai nom, c’était juste beau, voire magnifique ou splendide, ou merveilleux. Oui, merveilleux, vous savez, ce petit côté merveilleux des contes, celui qui réchauffe quand, blottis sous quelques couches de couvertures, on prend plaisir à re-parcourir les grandes pages jaunies de ce vieux livre corné mais qui sent encore la cannelle et l’orange de l’année précédente.

C’en était magique. Les flocons, pareils à des boules de coton qui descendaient dans un ballet ininterrompu renforçait l’impression que le temps c’était arrêté, cédant à cette danse de Mère Nature. Et Mimi appréciait, dans une émotion presque naïve qui faisait rougir ses joues et étinceler ses yeux. Parfois la buée que provoquait sa lente respiration sur la fenêtre à moitié givrée venait troubler sa vision, mais rendait la scène encore plus surréaliste, brouillant ça et là quelques pixels de ce monde froid de dehors. On croyait presque entendre le tintement d’un carillon.

La rue était déserte bien sûr. Les lampadaires venaient de s’éveiller et quelques courageux insectes venaient tournoyer autour de leur tête tels des électrons autour de leur noyau. A peine le grésillement plaintif d’un néon rouge défectueux sur la palissade du voisin venait troubler cette quiétude hypnotique. Au bout du quartier, on pouvait apercevoir une voiture se mouvant avec peine sur cette neige aux reflets artificiels, comme impuissante malgré toute la technologie qu’elle pouvait emporter face au brio de quelques gouttes d’eau cristallisées.

Parfois tout cet enchantement se troublait, les mouvements devenaient moins fluides, les couleurs moins nettes. Mimi plissait alors les yeux pour distinguer encore quelques secondes de ce doux et froid bonheur.

Mais il était l’heure, et d’un clic devenu presque automatique, Mimi fermait la fenêtre. La neige, ce ne serait encore pas pour cette année, la buée sur la fenêtre non plus d’ailleurs. De toute façon, à sa fenêtre, Mimi avait des barreaux.

Ceci est ma participation à un jeu d’écriture, sur le conseil de Detoutderien, sur le dessin de Marlène, organisé par le blog a1000mains 😉

 

 

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