C’en est devenu le sujet populaire de nos blogs, en grands nombrilistes que nous sommes : nos blogs. Oui, nous parlons de nous. Cela dit, est-ce vraiment surprenant, nous avons peut-être mis plus de temps que les skyblogs d’antan mais le résultat est le même. Certains l’ont d’ailleurs toujours assumer, et malgré la formulation peu flatteuse que j’emploie, je ne sais même pas si c’est un défaut. Toujours est-il que cela amorce la fin de ce blog-ci.
Touche pas à ma blogosphère, qu’ils disent. Je dis ils car je ne m’en sens plus membre. Je n’adhère pas à leur discours et vais expliquer ici pourquoi.
(Je vous passe l’intro).
Des hommes et des blogs
Chacun de nos billets de blogs est l’occasion de susciter des avis, des commentaires, des questions […].
Telle est notre vision du réseau social qu’est la blogosphère. Elle est tout sauf fermée, froide et aseptisée (j’aurais rajouté hostile). Elle est au contraire ouverte sur la vie, bouillonnante, source d’autant d’amitiés durables que d’irréductibles inimitiés, et l’on peut même de temps à autre s’y faire insulter copieusement (c’est très vrai). Elle est tout simplement le meilleur et le pire de ce que sont les gens, de ce que nous sommes. Elle est vivante.
Des blogs et des liens
La société Wikio avait en son temps joué un rôle important dans l’émergence de cette communauté de blogs, et donc de blogueurs et de blogueuses. Wikio assurait la promotion des blogs, leur apportait un surcroît de visibilité, et eux-mêmes le lui rendaient bien. Et puis la petite société est devenue plus grande, elle s’appelle aujourd’hui Ebuzzing et a de nouvelles ambitions.
Dans un premier temps, Ebuzzing a choisi de préserver l’outil qui avait fait la popularité de Wikio auprès des blogueurs, ses classements des blogs, se contentant d’adapter ceux-ci aux évolutions majeures d’Internet, l’émergence de Twitter par exemple.
Basés sur les liens entre blogs, divisés en catégories – politique, sport, technologies, société, etc… -, ces classements permettaient dans une certaine mesure d’apprécier le poids de chaque blog dans la blogosphère, l’étendue du réseau de chacun, pas nécessairement son audience. C’était intéressant ou amusant, pertinent ou farfelu, utile ou inconséquent, les avis étaient partagés. Chacun d’entre nous savait cependant y retrouver une photographie plus ou moins déformée de la communauté ou des communautés que nous formons. (Grosso-modo c’était tout, n’importe quoi, son jumeau et son contraire).
Des blogs sans blogueurs
Mais récemment, l’outil est devenu tout autre chose. Des blogs institutionnels, des blogs de personnalités dont les médias traditionnels font la notoriété, ont été intégrés à la liste des blogs. Pis encore, des agrégateurs de liens et de contenus, des sites semi-professionnels, ont soudainement rejoints les bases de données d’Ebuzzing, y compris des sites d’extrême-droite qui usent à grande échelle de méthodes plus que suspectes pour gagner en notoriété – démultiplication de pseudos, retweets automatiques en masse, commentaires copiés-collés de manière industrielle, etc…
Faisons un pause.
Tout d’abord, notons qu’Ebuzzing, en tant que société privée, fait un peu ce qu’elle veut avec sa politique, notamment pour le classement des blogs. Chacun est libre de se désinscrire. Deuxièmement, voyez comme le fait qu’il y ait des blogs (oui Fdesouche est un blog, pas un agrégateur, sinon GdC en est un aussi, tout deux reprennent des articles d’ailleurs et les font partager en ajoutant une touche perso), d’extrême-droite est dérangeant. La Blogosphère se place donc clairement sur l’échiquier politique (aucun soucis avec l’extrême-gauche). Enfin, en matière de retweets automatiques, quand je vois ma TL, je me dis que certains signataires sont très forts : tous les billets leftblogs sont retweetés automatiquement je ne sais combien de fois par je ne sais combien de comptes. Reprenons.
[…] De fait, les classements de « blogs » d’Ebuzzing ne nous parlent plus de la blogosphère, ne sont plus en « lien » avec elle et de qui nous y est commun, ce qui nous fait vibrer, fait sens et nous motive. Plus grave, il apparaît évident que tout ceci, cette définition nouvelle de la blogosphère que voudrait imposer une société de droit privé, nous englobant dans tout autre chose que ce que nous sommes, vise à nous étouffer, à faire taire notre spécificité : celle d’une parole libre venue d’un endroit d’où il n’est pas habituel qu’on parvienne à l’entendre, la parole des citoyens. Car la blogosphère n’est que cela, la caisse de résonance des citoyens et de leur diversité – diversité d’opinions et de centres d’intérêts, diversité sociale et professionnelle. La blogosphère, finalement, c’est le média de ceux qui n’en ont pas.
Voilà le petit discours du vilain petit canard qu’on essaie d’étouffer. La vérité, c’est que les signataires de ce texte sont tellement déçus de ne plus être les number one et de ne plus avoir la visibilité d’avant, qu’ils passent à l’attaque. Mais nul n’est étouffé, qui vous empêche d’écrire ? Est-ce que Google arrête le référencement de vos blogs ? Vos url sont-elles bloquées ? Non, une boîte privée a juste décidé que pour sa part, elle vous donnerait moins d’importance. Voilà.
La blogosphère se rebiffe
Le choix fait par Ebuzzing est un choix politique. Nous en sommes d’autant plus convaincus que Pierre Chappaz, son patron, est aussi un des fers de lance du mouvement des « pigeons », un homme qui s’affiche sans ambiguïté en tant que libéral – ce qui ne nous pose aucun problème en soi – et qui, tenant lui-même un blog, a choisi de le faire figurer dans les classements établis par sa propre entreprise selon des algorithmes qu’il est seul à connaître, prenant de facto le risque du conflit d’intérêt, donc du soupçon. (Bien qu’il n’ait jamais été premier de ces classements, et avouez que ce qui ne leur pose aucun problème est quand même sacrément mis en avant).
Considérant que Pierre Chappaz devenait en cette affaire juge et partie, nous le laissons seul juge de ses choix et décidons de partir, afin de ne pas cautionner plus longtemps une conception de la blogosphère qui ne repose plus sur aucune réalité.
Nous, blogueurs et blogueuses, 1er, 10ème, 100ème ou dernier des classements actuels, avons décidé de ne plus en être et avons exigé de Wikio-Ebuzzing la suppression de nos blogs de ses listes. Parce que nous ne saurions nous retrouver à servir les intérêts commerciaux d’une société et les nouvelles ambitions politiques de son patron. Parce que nous refusons que la blogosphère, dont nous sommes à la fois le cœur et les poumons (voilà, le petit passage caressage d’égo à la plume devant le miroir était ici), puisse ce faisant se trouver assimilée à – et finalement dissoute dans – quelque chose de plus vaste et qui ne lui ressemble pas, et d’où les blogs ne sauraient plus être visibles et les blogueurs se faire entendre.
(Je ne vois pas pourquoi Ebuzzing retirerait ces blogs de sa base, vu que ce sont ces blogueurs eux-mêmes qui les ont entrés à la main).
Voilà, il fallait un long texte pour annoncer qu’en fait, ils quittent le classement des blogs. Espèrent-ils motiver leurs lecteurs à envoyer des tonnes de mails à Ebuzzing ? Pensent-ils réellement que leurs lecteurs avaient envie de savoir ? Ou essaient-ils simplement de plomber Ebuzzing (après avoir attaqué son patron) ?
Je ne suis vraiment pas en phase avec ce texte. Je ne suis donc pas de la blogosphère, la blogosphère c’est eux, qu’ils n’essaient pas de m’y étouffer.